quand tu as posé la dernière pierre de ce muret longeant un petit coin fleurit, tu as entendu les glaçons claquer au fond des verres. tu savais bien que poppy attendait ça avec impatience. tu l'avais capté il y a une heure par la fenêtre de la cuisine. en train de faire la vaisselle ou comme si, tu avais croisé son regard. un fin sourire avait alors déchiré tes lèvres. rinçant à présent ta truelle et ta gamate, tu te languissais un peu de t'asseoir à la terrasse. elle servait déjà la boisson fraîche, s'installant à la table ronde, les bras posés tranquillement dessus. restant ainsi torse nu, tu essuyais ton front avec le tee-shirt puis le posa sur le dossier de la chaise où tu finis par t'asseoir. (...) si tu te souviens de son sourire, tu n'as pas non plus oublié l'invitation que tu lui as donné. par une précédente discussion autour de la pseudo maison hantée de ojai, tu l'as mise au défi de te rejoindre ce soir pour voir si elle n'avait pas peur, comme elle peut laisser prétendre depuis cet après-midi. attendant en haut de l'allée, tu as dans ta main, deux lampes torches. ce soir, il y a un peu de vent. cela fera claquer les branches contre les carreaux trop crasseux. les histoires de fantômes, tu n'y crois pas. tu n'as pas peur de ça. tu t'en carres ! elle a prévenu de son possible retard. son père rentre qu'une fois le soleil couché. tu lui as bien dit que c'était peu grave, car il fallait toujours attendre la nuit tombée pour se promener dans ces lieux soient disant maudits. tu regardes aussi loin que tu peux, perçois que très mal la maison. et puis un craquement derrière toi. te retournant, tu devines la silhouette de poppy, alors, tu t'avances vers elle et pour la taquiner. bien que tu en sais la véritable raison, tu regardes ta montre et dit :
- je pensais que tu allais te défiler. trouillarde !

Tu n'es qu'une idiote Poppy. Ce n'était pas si dur de l'avouer. Il te suffisait de dire que oui. Oui, tu avais la frousse, et non tu ne voulais pas mettre un pied dans cette maison. Tu es plutôt téméraire, pourtant. Mais cette bâtisse, tu préfères en rester loin. Tu les connais toutes les histoires et dans une ville maudite, on ne rigole pas avec les légendes. Mais tu n'as pas pu t'en empêcher, il t'a défiée, il t'as proposé de l'accompagner et par excès de fierté mal placée, tu n'as pas pu refuser.
Ton père est rentré plus tard que prévu, tu n'avais pas envie de trop faire attendre Cézanne, alors tu n'as pas mangé avec lui. Ce n'est pas grave, t'as un nœud à l'estomac de toute façon. Tu as la bouche sèche aussi, et les mains moites. Tu fais non de la tête comme pour te raisonner toi-même, elle est ridicule cette peur, ce n'est qu'une maison. Et puis, il y aura Cézanne, il te protégera, peut-être. Mais ça ne te rassure pas vraiment, tu n'es pas vraiment une gosse rationnelle, toi. Tu es en chemin, il y a un petit vent léger, ce vent du soir, et tu es bien contente d'avoir enfilé un gilet par-dessus ta robe fine. Tu arrives assez vite, et il est là, de dos. Et au bout, tout au bout, la maison. Il t'entend malgré ta grâce et ton pas léger. Tu passes tes mains sur tes cuisses couvertes pour essuyer leur moiteur, alors qu'il fait le malin en se moquant gentiment de toi. Trouillarde. Pas du tout. Enfin, pas d'ordinaire, pas trop. Là oui, un peu. Tu lui lances un regard plein d'assurance et te redresses en t'approchant de lui. Tu lui offres un léger sourire, puis, tu lui fais face à elle, tu fais face à cette maison, et t'avances faussement décidée. « Tu viens ou je vais croire que c'est toi qui as peur ? » dis-tu, un brin espiègle en te retournant vers lui. Il te rejoint et vous avancez ensemble. Plus vous vous approchez de la demeure, plus ton cœur bat vite et moins t'as de courage. Tu fais semblant quand même, tu ne veux pas te défiler devant Cézanne. Tu n'entends que vos pas contre le sol, tu aimerais bien qu'il parle, toi tu ne peux pas, t'as la bouche trop sèche.

tu la vois qui s'avance vers toi et tu souris de plus en plus. tu la détailles du regard, laissant ce dernier courir jusqu'à ses jambes découvertes puis fixes ses yeux clairs. poppy est là et pourtant tu as bien pensé qu'elle se défilerait. tu croyais pas un mot de sa soit disant assurance. ses tremblement parlaient pour elle : tu revois ses mains trembler contre son verre plein de citronnelle. mais bon, avoues le ça te fait plaisir de la voir. tu peux bien jouer le super héros et tâcher de la rassurer après tout, qu'est-ce que ça te coûtes ? tu pourras peut être même sentir ses mains t'agripper le bras et son corps se coller contre toi. tu trouves ça déjà mignon. et puis tu savais au fond qu'elle n'allait pas refuser. elle aime bien trop te voir. et puis surtout par fierté. poppy est une fille avec un caractère que tu apprécies bien. un peu gamine parfois avec ses caprices mais ça fait partie de son charme. qu'elle soit chiante ou mignonne, toute attentionnée à ton égard tandis que tu bosses sous la chaleur assommante de ce presque été. elle s'approche, te dépasse et commence à marcher jusqu'à la maison. poppy te cherche et tu ris de bon coeur en secouant doucement de la tête. tu lui donnes une torche, voyant qu'elle ne s'est pas équipée puis allumes la tienne. ainsi, vous marchez. arrivés devant la maison, il manque que le seuil à passer. pour l'instant, tu regardes à quoi ressemble cette baraque dit de l'horreur. tu lui trouves rien d'effrayant. quatre murs massifs un peu pourris, des fenêtres barricadées, d'autres aux carreaux cassés et puis alors ? c'est ça qui fait peur ? ou encore les arbres qui l'entourent et son jardin en friche ? tu hausses les épaules peu convaincu et la regardes.
- j'suis déçu là ! c'est qu'une baraque abandonnée, j'vois pas ce qui est effrayant là-dedans. j'suis sûr qu'en la retapant elle retrouvera son éclat.
c'était même certain.
tu ne perds plus de temps et grimpes les quelques marches dont le bois grince sous ton poids. tu poses ta main sur la poignée. verrouillée. tu n'as pas dit ton dernier mot. tu fais le tour de la maison pour voir s'il y a une autre porte. tu reviens sur tes pas, avec une clope au bec.
- j'vais casser le carreau tant pis !
remontant la manche de ton sweat shirt, tu abats ton coude sur le verre qui vole en éclat. passant ta main dans le trou, tu souris victorieux en sentant l'écrou. une fois la porte d'entrée ouverte, tu te retournes vers poppy qui est bien en retrait.
- tu viens ? allez, elle va pas te bouffer. et puis je t'autorise à prendre ma main.
tu la regardes avec un grand sourire taquin.

Tu le remercies pour la lampe torche puis vous avancez d'un pas plus décidé. C'est Cézanne qui impose le rythme et tu te contentes de rester à ses côtés mais tu finis par t'arrêter juste avant les marches. La lampe passe nerveusement d'une de tes mains à l'autre alors qu'il essaie d'ouvrir la porte sans succès et qu'il part. Tu as envie de lui dire de ne pas te laisser tout seule mais tu te retiens. Tu as envie de le suivre quand il fait le tour mais tu te retiens. Tu te trouves un peu potiche à rester plantée là, alors tu regardes autour, tout paraît si calme, peut-être qu'il n'y a rien à craindre. Mais toi, tu continues de penser que les fantômes de tous les habitants morts pour la malédiction errent par ici. Tu frissonnes légèrement et tu es tentée de reprendre cette allée et retrouver la chaleur de ta maison. Tu serais tellement mieux là-bas. Cézanne revient et ta chance s'échappe, tu te retournes vers lui alors qu'il casse un carreau de la porte. Vous avez failli avoir une excuse pour rebrousser chemin mais non, lui il veut y aller et il est prêt à faire un peu de dégâts pour ça. Il te taquine, encore. Tu grimpes les marches qui te séparent de lui d'un pas hésitant et, une fois arrivée sur la plus haute, tu t'arrêtes rien qu'un instant. Tu inspectes l'intérieur du regard puis tu poses des yeux inquiets sur Cézanne. Lui, ça le fait sourire tout ça, mais lui il n'a pas grandi ici. Lui, on ne lui a pas rempli la tête de bêtises depuis toujours. Toi, oui. Tu n'es pas complètement stupide mais c'est difficile de remettre en question tout ce qu'on t'a raconté. Surtout quand la légende sur les quatre-vingt-cinq n'a jamais failli. Tu te mords légèrement la lèvre inférieure. « Non, je vais avoir besoin de mes deux mains pour me défendre. » réponds-tu mi-sarcastique, mi-sérieuse, puis tu franchis finalement la porte. Tu aurais voulu qu'il passe en premier mais tu ne voulais pas avoir l'air trop peureuse. Tu fais valser la lumière sortant de ta lampe torche, tu ne sais pas tellement par où aller. Un immense escalier vous fait face et tu n'as vraiment pas envie de le prendre. Non, tu ne veux pas aller à l'étage. Le parquet craque sous vos pas, tout est poussiéreux, vétuste. « Tu aurais pu faire le ménage avant de m'emmener ici. » chuchotes-tu en tentant de faire de l'humour, mais tu es complètement paniquée en réalité. Tu le regardes et attends qu'il te rejoigne. Il n'est pas question que vous vous sépariez. 

finalement, poppy arrive à ta hauteur et ton sourire demeure toujours sur tes lèvres. tu suis son regard et inspectes à ton tour l'intérieur - pas vraiment distinctement c'est vrai. vous n'allez plus trop tarder dehors de toute façon. tu attends après poppy et finalement elle s'élance. à sa remarque, tu ne rajoutes rien mais n'est pas très convaincu. laisses lui un peu le temps de te prouver qu'elle a du courage. à affronter sa peur surtout, puisque tu sais bien qu'elle à la frousse ! allumant ta lampe, tu imites la belle mais au lieu de bouger nerveusement la lumière tu prends ton temps et longe l'escalier pour éclairer finalement le mur. tu plisses les yeux pour voir plus net puis finalement, te retournes vers poppy et penses alors que le rez de chaussé s'offre d'abord à vous. profitez !
- j'suis maçon pas femme de ménage. et puis c'est le rôle des femmes ça.
tu es taquin, un peu macho. ça te plaît bien ! tu la dépasses alors et posant ta main dans son dos, tu finis par marcher devant elle. l'invitant ainsi à suivre tes pas, vous arrivez dans une grande pièce qui a en juger les meubles, ressemble à un salon. il y a quelques draps posés là pour abriter la menuiserie. pas vraiment nécessaire la poussière recouvre tout. face à vous, un grand miroir crasseux dans lequel il est impossible de se voir. tu tournes un peu partout dans la pièce, touches aussi à quelques objets. comme des livres posés sur une grande bibliothèque. et puis ta curiosité te prends et tu vires un grand drap du mur près d'une fenêtre encombrée par les toiles d'araignées.
- c'est un tableau. tu crois que c'est la famille qui habitait là ?
tu te retournes légèrement pour la regarder. tu le trouves un peu glauque ce portrait.
tu te pinces la lèvre inférieure puis bailles un instant, fracassé de ta journée de travail. cependant, ta fatigue ne t'empêchera pas de traîner jusqu'à tard ici.
- et c'est vrai cette histoire qui dit que le père a été retrouvé pendu dans le sous-sol ? d'ailleurs, j'aimerai bien trouver l'accès.
l'histoire de cette maison te passionnes. tu as tellement envie d'en savoir plus. concentré sur le tableau, tu en oublies un instant la mort du père. alors, un bruit sourd se fait entendre. tu arques un sourcil légèrement mais ne quitte pas ton poste pour autant.

Tu laisses échapper un petit hé ! de désapprobation lorsqu'il affirme que c'est aux femmes de nettoyer, même si, finalement, chez ton père c'est bien toi la discrète petite fée qui range et nettoie tout. Tu ne sais même pas s'il s'en rend compte le pêcheur, il doit croire que tout reprend sa place originelle comme par magie. Ca ne te dérange pas tellement, tu l'aides sans broncher, c'est devenu naturel tout ça. Vous arrivez dans une grande pièce et, timide d'abord, tu inspectes de loin en faisant lentement bouger le jet de lumière de ta lampe torche d'un objet à l'autre, d'un meuble à l'autre. Puis, tu commences à te sentir un peu mieux, tu t'approches de l'immense cheminée, certainement faite de marbre et taillée délicatement. Tu laisses tes doigts suivre les motifs et l'abandonnes quand tu vois Cézanne ôter un drap du coin de l’œil. Il vous dévoile un portrait et tu t'approches pour l'examiner. Tu hausses faiblement les épaules en guise de réponse, oui c'est sûrement la famille qui vivait ici qui y est représentée, ils n'ont pas l'air très heureux, personne n'a jamais l'air heureux sur les tableaux. C'est toujours très austère. Tu souris, amusée, en voyant Cézanne bailler et tu te dis que, peut-être, vous n'allez pas rester très longtemps. Ce serait bien. Tu commences à être plus sereine dans cette demeure mais tu n'es pas non plus tout à fait à l'aise. C'est dommage, c'est tellement grand ici que tu pourrais venir y danser. Le parquet a l'air dans un état plus que correct. « Je crois qu'on ne saura jamais ce qui s'est vraiment passé dans cette maison. » chuchotes-tu en ignorant volontairement sa remarque sur l'entrée du sous-sol: c'est bien le dernier endroit que tu veux visiter... Vous continuez à inspecter le tableau ensemble, tu te demandes ce qui est véritablement arrivé à cette famille. Tout est si étrange à Ojai. Et puis, un bruit. Un bruit qui te fait sursauter et dont l'origine t'est inconnue. Tu as même fait volte face et t'as le cœur qui bat si vite. Lui, il n'a pas bougé d'un pouce, il est toujours face au portrait et tu tournes la tête vers lui. « T'as entendu ?! » demandes-tu comme pour qu'il te confirme que tu n'es pas complètement folle. Tu n'as plus envie de bouger, ou juste pour courir vers la sortie. « Cézanne si c'est toi qui a ramené un pote exprès pour me faire peur, c'est pas drôle. » dis-tu toujours doucement, en espérant presque que ce soit la vérité, ce serait moins effrayant que d'ignorer qui est la source de ce précédent bruit.

tu ris car ça te plaît de l'emmerder avec des petites remarques de ce genre. c'est ton truc, de la chercher comme ça, pour qu'elle te réprimande gentiment. ça te plait de la voir froncer des sourcils et de sentir ses poings te frapper l'épaule ou le torse quand l'envie lui prend. à chercher à te faire mal même si ce n'est pas trop son fort. faut dire que poppy a pas tellement de force mais tu n'as pas envie de voir comment ça se passe si les nerfs lâchent. faut se méfier des tempérament très calmes car généralement ce sont eux qui font le plus mal quand ça explose ! ton rire se calme car tu poses ton attention sur le tableau en face de toi. découvert, il présente un bien sombre ensemble. tu ne comprends rien en l'art mais tu as quand même cette forte impression. tu ne la vois pas sourire quand tu laisses échapper un bâillement. t'es bien trop occupé. et puis tu l'écoutes, acquiesce simplement à son chuchotement et puis un bruit résonne - quelque part dans la maison. tu t'en carres ! toi, tu ne bouges pas, ça doit être un rat ; il doit en avoir pas mal dans le coin, vu l'état de la baraque ça ne t'étonnerai pas. poppy est soudain affolée, tu le sens au son de sa voix.
- oui. dis-tu simplement pour commencer.
et puis tu ris encore, plus en éclat car ce qu'elle vient de dire n'a pas de sens. enfin te connaissant, tu aurais put avoir cette idée mais heureusement pour elle, ce n'est pas le cas. tu reviens près de la jolie jeune femme et te poses là, à quelques millimètres d'elle. tu la regardes dans les yeux.
- on est seuls. j'ai amené personne. ça doit être une bestiole rien de plus. allez, on bouge !
tu l'as dépasse et traverses le salon, pour retrouver le hall d'entrée. tu commences à monter et chaque marche craquent sous tes pieds. faut croire qu'elles demandent qu'à tomber. tu n'attends pas poppy, du moins si mais tu ne ralentis pas pour l'encourager. t'es en haut de l'escalier et la regardes. elle n'a point bouger encore. un instant, tu tournes la tête vers un couloir. c'est bien sombre et tu l'éclaires. le reflet de ta lampe t'éblouis car il se reflète sur un miroir tout au fond. sans voir si poppy est derrière toi, tu t'aventures là-bas, bien trop impatient.
et alors, autant machiavélique que taquin tu as une idée. tu ouvres une porte et t'invites à l'intérieur de la pièce. entrebâillée, cacher derrière tu peux ainsi surveiller la progression de poppy. tu penses en souriant à ton plan, sachant à l'avance qu'elle te détestera un peu plus. tu ne peux pas t'en empêcher, tu aimes tellement ça, l'emmerder. tu restes attentif aux moindres sons, te pinçant la lèvre inférieure. tu ne vas pas tarder à l'entendre prononcer ton nom.