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<ro>adam levine ▸</ro> nova walsh

On avait tous juré de se serrer les coudes, se défendre qu’importe le prix à payer, on était une famille, des frères en toute circonstance, on allait braver l’impossible, flirter avec la mort, jouer avec nos vies pour défendre tout un pays, on était fier, vraiment. L’enfer, c’était rien, tout était bien pire, ici, sur le terrain. J’avais peur de tomber, chaque jour, mon sang se glaçait lorsque les balles venaient s’écraser non loin de notre visage, ce brouhaha incessant, celui qui reste en vous, qui vous marque et vous ronge, mais j’étais un soldat, je ne pouvais pas faiblir, je ne devais rien dire, rester droit, se jeter dans la boue et dormir à la belle étoile qu’importe s’il pleuvait ou si l’air enflammait nos poumons d’une chaleur atroce, on ne bronchait pas, c’était interdit. Je survivais, chaque fois que l’aube pointait le bout de son nez, je détestais le ciel de ne pas m’avoir achevé dans la nuit. À l’époque, je n’étais qu’un gosse naïf, un bambin qui rêvait de gloire et de reconnaissance, je le regrettais amèrement, j’avais affronté la mort, je dînais avec elle tous les soirs, elle était une amie permanente collée à mon dos, emportant les plus chanceux, des amis, mon meilleur ami. Il s’était écroulé devant moi, hurlant de douleur, un cri qui vous déchirait de toute part, un son strident vous perçant les tympans, je n’avais pas bougé, ce jour-là, tétanisé, incapable de faire le moindre geste, une loque humaine plantée devant tant de souffrance et de peine. Il agonisait avant de se taire à jamais, une balle enfoncée dans le crâne, parce que c’est comme ça que ça se passait, ici, ceux qui ne pouvaient être sauvés, mourraient forcément, abattu par l’un d’entre nous. Je n’avais pas pleuré, je ne pouvais pas, je n’avais pas le droit, c’était peut-être ça qui avait fait de ma vie quelque chose de terrible, un gosse plein de vie transformé en un homme complètement parano, ça avait forcément foiré quelque part. J’avais quitté les rangs pour me reconstruire, rien n’est vraiment éternel et j’allais m’en rendre compte, cette vie idyllique qui m’avait été offerte se dégradait petit à petit, s’effritant comme une vieille peinture qui lasserait découvrir quelque chose de délabrée, cette vérité trop longtemps cachée qui refaisait surface. J’avais pété un plomb, littéralement, prenant le premier avion pour l’Amérique ne sachant trop où aller, j’avais fait le tour des Etats comme pour fuir la réalité, je me jetais dans la première voiture qui passait, le premier qui voulait bien m’accueillir pour un petit bout de chemin, me donnant quelques billets avant de me souhaiter bonne chance pour la suite, comme si eux aussi voyaient cette détresse qui s’écoulait de moi. Combien de temps ça avait pu durer ? Des jours ? Des mois surement, pendant plusieurs semaines j’avais erré sans trop savoir où aller, qui j’étais, je sombrais petit à petit mais je ne pouvais tout simplement pas l’accepter. Celle que je pouvais appeler mon ex portait un petit bout qui n’allait pas tarder à voir le jour mais il ou elle n’allait jamais connaître son paternel, jamais, je les avais abandonné lâchement, sans penser à l’avenir, au passé, ils n’existaient plus, ils n’étaient plus rien à mes yeux. Washington m’avait ouvert ses bras, j’avais posé mes valises dans cette ville gigantesque, touchant aux petits boulots qui venaient à moi, je redevenais quelqu’un d’humain, petit à petit, ça bougeait à l’intérieur, cette petite flamme que je pensais morte se ravivait doucement en moi une certaine chaleur m’envahissait, j’avais l’impression de renaître, les gens venaient se frotter à moi, j'étais le petit centre chaud autour duquel se pressait toute la vie de ce monde. Je m’autorisais à avoir des amis, à parler, rire et m’amuser, je me laissais aller dans un total oubli de moi-même pensant que plus rien ne pouvait m’atteindre, que cet orage qui planait au-dessus de ma tête s’était évaporé mais non, ils sommeillait, menaçait et grondait sans que je ne l’entende, il était bien là, mais j’étais aveugle, sourd, je ne voulais pas affronter la réalité, je ne voulais pas accepter la vérité, je voulais me considérer comme un homme normal, j’étais bête, un ignorant préférant jouer l’autruche que de trouver une solution. [UC BABY]