❝ c'est que techniquement, j'peux pas rester ... ❞
a«
Sean, je suis enceinte, on va avoir un bébé. » L’homme leva les yeux vers le visage de sa douce. Une expression d’épouvante se posta sur son visage, fît trembler ses lèvres charnues. «
Qu … quoi ? Mais enfin comment … ? Putain, Ali, t’es sérieuse ? » La jeune femme hocha la tête, puis la baissa, son visage fin et triangulaire caché par une épaisse masse de cheveux clairs. Quelques larmes roulèrent à nouveau sur ses joues. Il faut dire qu’elle avait prié pleins de fois pour que ce ne soit pas le cas. Sean n’était pas prêt d’assumer un bébé et elle … et bien elle ne savait pas trop. Mais perdre cet homme était la chose la plus horrible pour cette jeune Française. Il était sa seule famille à présent, elle était prête à tout pour le garder. Cependant … ce môme venait gâcher tout ses rêves.
L’homme, toujours assis sur son canapé passa une main sur son visage. Puis il fit crisser sa barbe naissante sous la pulpe de ses doigts et soupira. «
J’me barre. » Aliénor n’eut même pas le courage de relever les yeux vers le beau brun. Il partait. Il valait mieux pour elle qu’elle ne dise rien. Un Sean énervé était un Sean dangereux. Elle en avait payé les frais une bonne dizaine de fois et n’était pas d’humeur à recommencer cette fois-ci. Sean lui passa à côté, la bousculant sans ménagement. La jeune femme glissa un doigt sur ses larmes, et sentant ses jambes se dérober sous son poids, prit place dans le petit canapé. Canapé où avait été sûrement conçut l’enfant.
Au fond d’elle, elle hurlait, elle pleurait bruyamment, elle sautait dans les bras de cet homme cruel, elle chassait l’enfant au fond d’elle. Elle était une vraie tornade, mais … mais non. Ses sentiments, elle avait su les dompter depuis si longtemps déjà … elle risqua tout de même d’une toute petite voix : «
S … Sean, t’as oublié tes clefs de voiture … ». Sean revînt sur ses pas, attrapa les clefs sur la table basse et déposa une petite somme d’argent à la place. «
J’t’enverrai un peu d’argent. Parfois. Quand j’y penserais. Mais je ne veux pas entendre parler de ce gosse. Evite de dire qu’il est de moi. Si c’est un garçon, appelle-le Samuel. » Et il disparut, claquant la porte.
••••
«
Merci, bonne journée ! » Aliénor jeta un regard à l’horloge du petit magasin où elle avait décroché un job à mi-temps. Son ventre bien rond déjà annonçait l’arrivée imminente d’un heureux évènement. Toujours souriante, toujours calme, toujours douce, elle vivait. Comme si cet homme ne l’avait pas brisée. Comme si sa famille ne l’avait pas tuée. Oui, sa famille, la chose inexistante qui l’avait chassée de ses terres comme une malpropre. « Famille », c’était un mot bien ingrat. Famille, c’était un mot douloureux. Soudain, un bruit d’un liquide que l’on renverse sur le sol et une effroyable douleur électrisant tout l’être de la demoiselle. Un cri sortit malgré elle de sa gorge et elle posa ses deux mains sur son ventre. «
Ah ! » une cliente cligna des yeux. «
Mademoiselle ? Tout va bien ? » Ali fermait très fort les yeux, essayant de ne pas hurler de douleur. «
Mon bébé, il … » un autre cri. Dieu que c’était douloureux !
La dame posa toute ses courses à la va-vite et sortit la douce de derrière son comptoir et bien que paniquée, elle sut trouver les mots justes : «
Respirez à fond, tout vas bien se passer, on vous emmène à l’hôpital. » et oui, en effet, le lendemain matin, un petit garçon pointait le bout de son nez.
«
C’est un bien beau garçon madame. Une idée de son petit nom ? » La demoiselle caressait la joue du petit-être en train de téter. À vingt-cinq ans, elle venait de donner la vie à un petit être adorablement attachant. «
Je … » Un prénom lui revint en tête. Des larmes brouillèrent sa vue. Et c’est en souriant qu’elle chuchota : «
Samuel … ».
••••
«
Samuel, fais attention tu vas … »
boum. «
… tomber. » Un petit sourire malicieux aux lèvres, elle s’approcha du bambin déjà en larmes. Une tête blonde, des yeux bleu clairs, tout le portrait de sa mère. Il braillait, cassait les oreilles des voisins. Aliénor le releva sur ses deux jambes et souriante, lui dit avec douceur : «
Hey, bravo ! Tu marches de mieux en mieux ! ». Oui, c’était un rituel. Quand l’enfant tombait, la mère applaudissait et il ne pleurait plus. Idiot, hein ? Mais efficace. D’ailleurs le petit Samuel offrit un beau sourire à sa mère qui l’embrassa sur les deux joues. Ce petit garçon était devenu sa source de paradis. Même si en le regardant, le cœur de la jeune femme se serrait … elle ne pouvait pas s’empêcher de penser à Sean. Il ne voulait pas entendre parler de son fils. De LEUR fils. S’il savait ce qu’il ratait …
••••
«
Je savais qu’on aurait dû prendre à gauche … » Deux heures qu’elle roulait à présent sur une petite route. Un panneau de bienvenue signalait la présence prochaine d’une ville, et un petit sourire se posta sur les lèvres de la jolie Ali. «
Ouf, enfin. On va pouvoir aller aux toilettes Samuel. » Le petit dormait, le biberon à moitié dans la bouche. C’était une vraie marmotte. «
Ah, un petit magasin ! » Aliénor ralentit sa voiture doucement et observa le petit magasin. Elle fronça le nez et se décida de continuer tout droit. «
Y’a bien moyen de faire demi-tour … »
Mais au retour, une petite vieille fit signe à la jeune Ali qui s’arrêta. Elle ouvrit sa portière et s’approcha de la dame, qui lui demanda de l’aider à porter ses courses, un peu trop lourdes jusqu’à son domicile. Bon cœur, bonne âme, elle accepta, mais prit d’abord son fils dans les bras, peut-être un peu trop mère-poule … : «
Oh, qu’il est mignon vot’ garçon ! Comment qu’il s’appelle ? » Portant un sac dans une main et Sam de l’autre, elle répondit en souriant un peu : «
Samuel, madame. »
«
Comment ça une malédiction ? Vous ne comprenez pas … il faut que je rentre chez moi ! Que je retrouve Sean ! Il va s’inquiéter ! » Non, Sean n’allait pas s’inquiéter. Aliénor serrait très fort son fils contre elle. «
Et … et nous avons un chat à nourrir ! On ne peut pas rester ici ! » et pourtant. Bienvenue à Ojai, Aliénor !